Cahier de guerre 14-18 de Constant VINCENT

1917

Avant l'offensive du Chemin des Dames

(1er janvier - 15 avril 1917)

Le 1er janvier 1917 à 4 heures du matin nous étions arrivés à Courtémont où nous avons mangé la soupe et à 6 heures on se remettait en route pour aller cantonner à Daumartin Laplanchette, où pour une fois de plus on s'en est pas fait un brin. Quoique pour un premier de l'an c'était bien triste. Le 2 on est allé cantonner à Epense. Le 3 à Contault. Le 4 au hameau de Cavagny (Coulvagny) près de Saint-Amand. Le 5 repos et revue. Le 6 départ 7 heures, cantonné à Humbauville. On est passé à Somme-Puy (Sompuis). Dimanche 7 départ 8 heures, passé à Bréban et à Coole où nous étions passés en 1916 venant du camp de Mailly. On a cantonné à Chaudrey. Le 8 il pleut, installation du cantonnement. Le 9 tout le jour exercice.

Le 10 janvier tout le jour exercice. Moi je suis allé voir lancer pour la première fois des liquides enflammés. Le 11 le matin exercice, la soirée échange d'effets. Le 12 le matin je suis allé voir faire la gymnastique à la méthode Hébert. C'est Hébert qui commandait lui-même. Y assistaient le général de division Philippeau (Philipot), les colonels des 35, 42, 44, 60, et beaucoup d'officiers et sous-officiers de ces mêmes régiments. Le 13 je suis de jour. A ce moment il y avait pour le moins la moitié de la compagnie en permission. Nous n'étions que 4 sergents, aussi on était toujours occupés. A Chaudrey on était assez bien vu des habitants mais on était mal logé et pourtant à ce moment il faisait froid et il tombait de la neige tous les jours. Chaudrey est un petit pays pauvre situé sur le bord d'un marais où par de grandes pluies il est menacé d'être couvert d'eau.

Dimanche 14 repos. Le 15 la soirée exercice de bataillon. Le 16 même chose, mais ce jour là il est tombé de la neige en quantité. Le 17 je suis de jour, théorie et exercice pour la compagnie. Le 18 exercice de bataillon. Le 19 théorie. Le 20 je suis de garde au poste de police. Le 21 plusieurs camarades sont rentrés de permission, aussi dans la soirée ce fut la nouba. Le 22 je suis de jour. Le matin préparatifs de départ. La soirée exercice de manoeuvre de régiment devant une commission anglaise où se trouvait plusieurs généraux.

Le soir à 5 heures départ de Chaudrey. A 7h30 nous arrivions à Torcy-lr-Grand (à côté d'Arcy-sur-Aube) où on a cantonné. Il faisait un froid terrible. Le 23 le matin revue du cantonnement, le soir exercice. Le 24 repos. Ce jour-là malgré la glace on est allé à la pêche qui a été très bonne.

Le 25 janvier départ de Torcy-le-Grand à 10 heures du matin. Passé par Arcy où là on a défilé devant le général Debaselaire. Nous avons cantonné à Longueville. Le 26 départ à 7h50. Ce jour-là nous avons quitté le département de l'Aube pour rentrer dans celui de la Marne. Il faisait très froid. Nous sommes allés cantonner à Sézanne, pays important et joli où on a été très bien reçu. Sézanne n'a pas souffert des orgies de la guerre mais en 1914 les boches sont restés plusieurs jours qu'à 2 ou 3 km de ce dernier. On se souviendra longtemps de la famille Pinard où là on était presque chez nous. Le 27 et le 28 exercice. Le dimanche 28 on a cependant pu aller à la messe. L'église de Sézanne est très jolie. Ce même jour le sous-lieutenant Cahen est venu souper avec nous. C'était un ancien sergent de la 5ème compagnie. Nous avons mangé des gaufres offertes par la famille Pinard.

Dimanche soir 28

Chère Hélène

J'ai reçu hier votre lettre. Trés heureux de vous savoir en bonne santé. Tant qu'à moi tout va bien aussi. Ici il fait toujours froid alors ce n'est pas bien gai, on s'ennuie plutôt. Nous quittons Sézanne demain matin, nous allons sur Epernay. Après on verra. Ce que je peux vous dire c'est que je n'irai pas en permission à présent avant d'aller au rabiat. Car il paraît que la fête va avoir lieu vers le 15 du mois prochain. Rien de plus pour aujourd'hui. Bien le bonjour et bonne santé à tous. En attendant le plaisir de recevoir de vos nouvelles, recevez chère Hélène mes meilleures amitiés. Un ami qui ne vous oublie jamais.

Constant

Consignes du cantonnement chez l'habitant

Le 29 janvier départ de Sézanne à 8 heures. Nous sommes allés cantonner à Fromentières. Le 30 au Breuil il faisait toujours très froid. C'est là que tous les jours il nous fallait manger notre pain tout glacé. On peut deviner la belle existence, et il nous fallait faire tous les jours de 25 à 30 kilomètres. Le 31 on a cantonné à Passy-Grigny.

Le 1er février repos. Le 2 départ 7 heures, on a cantonné à Janvry. Le 3 à Champigny (ouest de Reims). Les 4-5-6-7-8 et 9 tous les jours exercice mais il fait toujours très froid. Champiny est un joli petit pays où en 1914 il y a eu un fort combat entre Français et boches qui dura 2 jours mais les Français eurent la supériorité. Le 10 départ de Champigny à 5 heures du soir pour aller cantonner à Reims.

Le 11 nous avons relevé en première ligne la 9ème compagnie du 410ème à droite du Cavalier de Courcy (nord de Reims). Elle se trouvait de chaque côté de la voie ferrée. Le secteur était absolument très calme, on n'aurait pas dit la guerre. A ce moment le lieutenant Vieney (Vienney) était en permission, aussi je me trouvait être chef de section. Le 13 toujours très calme. La nuit nous avons placé du fil de fer devant le petit poste 14. Ce même jour un coup de main a été fait à notre droite par le 293ème. Les résultats n'ont pas été appréciables.

Le 14 février le secteur était toujours très calme. Le soir même travail que la veille. Le 15 tout va toujours très bien. Dans la nuit de 20 heures à 22 heures une patrouille a été faite devant le front de la section. Tout s'est passé sans incident. Le 16 nous avons placé du fil de fer devant le petit poste 13.

Le 17 le temps a un peu changé. Il ne fait plus froid mais vu le grand dégel les tranchées s'écroulent partout, aussi c'est un travail immense pour nous. Les 18-19-20-21 toujours très calme mais beaucoup de travail. Les tranchées à ce moment là étaient pleines d'eau et de boue, aussi c'est la triste existence qui est à recommencer. Le 22 toujours la même chose. Ce jour-là le lieutenant Vieney (Vienney) est rentré de permission. Le 23 notre artillerie a bombardé les tranchées boches. On n'a pas eu de réponse.

Le 24 février je suis parti en permission. Le soir j'ai couché à Champigny. Le 25 à 6 heures du matin je prenais le train à Muizon. J'étais à Paris à 1 heure de l'après-midi et en suis reparti à 3 heures. Le 26 à 8 heures du matin j'arrivais à Gémozac. (le 27 février 1917 Constant fête ses 25 ans). J'ai passé une très bonne permission pendant laquelle je suis allé aux foires de Tesson, Champagnolles, Pons et de Saintes où je ne me suis pas ennuyé.

Le 8 mars à 2 heures du matin j'étais de retour à Muizon. Il faisait très froid et il y avait beaucoup de neige. A 9 heures j'étais à Reims où j'ai trouvé la compagnie au repos et très bien logée. Si la permission s'était bien passée le retour n'était pas mauvais non plus. Les 9-10-11-12-13 et 14 nous avons été vraiment tranquille. Tous les jours nous n'avions qu'à boire et à manger, nous chauffer et dormir. Il y avait toujours beaucoup de neige, elle a commencé à fondre le 14. Notre petit séjour à Reims nous a permis de visiter un tout petit peu la ville qui m'a paru très jolie. J'ai pu voir la cathédrale mais à ce moment là déjà elle était dépouillée de ces plus beaux ornements. On y voyait encore à cette époque de très jolis magasins de toute sorte. Il y avait encore à ce moment là beaucoup d'habitants, pourtant les boches n'en étaient au plus qu'à 3 kilomètres.

Le 15 à 8 heures du soir nous avons été relevé par le 410ème d'Infanterie et sommes allés cantonner à Ormes. Le 16 beau temps, aussi grande activité des avions. Le 17 je suis de jour, la soirée exercice. Le 18 un dimanche repos. Je suis allé à la messe et aux vêpres. Le 19 et le 20 exercice et signalisation. Le 21 départ d'Ormes à 5 heures du soir. Nous sommes allés cantonner à Poilly où on était tout à fait mal logé. Le 22 il tombait de la neige, installation du cantonnement et revue d'armes. Le 23 beau temps, exercice. Le 24 aussi. Le 25 j'étais de garde au poste de police. Le 26 départ de Poilly à 8 heures du matin. On est allé cantonner à Germigny. Le 27 tout le jour exercice. Le 28 j'étais de jour. Départ de Germigny à 4 heures du soir (en direction du front, au nord). On est passé par Rosnay et plusieurs autres pays. Nous sommes arrivés à Hermonville à 9 heures du soir, où on a pris la place du 42ème d'Infanterie. Ce même jour je suis passé à côté de Marius Aubert mais comme il faisait nuit on ne s'est pas vu.

Le 29 mars repos. Reconnaissance du secteur par les officiers. Le soir départ d'Hermonville à 17h30. Il pleuvait. A 11 heures nous avons relevé un bataillon du 42ème à la droite du château du Godat. La relève s'est passée sans incident. Le 30 il pleut toujours et forte canonnade.

Le 31 il faisait beau temps. A 7 heures du matin on était au travail, à 9 heures les boches se sont mis à bombarder notre secteur. Cela dura plusieurs heures, si bien que plusieurs tranchées étaient comblées par les éboulements. Heureusement aucun incident de personne. Ce même jour les cuisines du bataillon furent démolies. La soirée il a plu. La nuit fut calme et 25 hommes de la 2ème compagnie sont venus travailler à relever les tranchées. Tout cela ne nous apportait pas la gaieté.

Le 1er avril il pleuvait. Le bombardement fut continu tout le jour mais principalement sur l'arrière. Le 2 encore la pluie, la journée a été calme. Le 3 beau temps, aussi tout le jour on a travaillé.

Coup de main allemand (opération commando) du 4 avril 1917

Le 4 au matin le temps était brumeux. Vers deux heures de l'après-midi les boches déclenchèrent un bombardement sur la première ligne, laquelle était devenue intenable. Mais il a fallu y rester puisqu'on ne pouvait aller ailleurs. A quatre heures attaque par les boches, qui dans l'espace de 10 minutes nous firent la moitié de la compagnie prisonnière. Il y eut 6 ou 7 morts, parmi eux le sergent Eyrau Batistin (Baptistin Eyraud ) et le soldat Gaudron (Jean Gauderon). Je les ai beaucoup regrettés car c'étaient de bons camarades. Comme prisonniers se trouvaient le sous-lieutenant Mimaud, l'aspirant Gaide (Marius Gaide), les sergents Nicolot, Caeyla (Casimir Cayla) et Villard (Henri Vuillard) qui furent regrettés par la compagnie ainsi que leurs hommes dont je ne puis citer tous les noms. Ce fut une bien triste journée, surtout la nuit qu'il nous a fallu passer dans et sous l'eau. Le bombardement fut continu et où nous étions nous sommes restés sans nouvelle de personne jusqu'à 3 heures du matin. Le 5 à 5 heures nous devions attaquer mais on s'est aperçu que les boches étaient partis, aussi on n'a eu que la peine de revenir aux anciens emplacements où on a absolument rien trouvé. Les boches avaient tout emporté. La journée fut particulièrement calme. Les boches se trouvaient sans doute satisfaits de leur incursion. Néanmoins le soir vers 6 heures fausse alerte, tir de barrage des deux côtés, lequel dura bien une heure. Nous avons eu plusieurs blessés.

(Extrait de " Lieutenant Morin ", édition du Cêtre : Dans la nuit du 4 avril, les boches attaquent par surprise la ferme de Godat et les positions tenues par le 60ème et les Zouaves et s'emparent des plans de l'attaque projetée pour le 16 avril. L'effet de surprise n'était plus possible, mais que penser du commandement incapable de prévoir que de tels coups de mains étaient inévitables, l'ennemi ne pouvant ignorer qu'une attaque se préparait et désirant se procurer des renseignements à tout prix.)

Le 6 à 1 heure du matin, vu nos pertes en homme à la compagnie, la 9ème est venue nous relever. Nous sommes allés à Hermonville. La soirée je suis allé reconnaître les emplacements de la première compagnie en 2ème ligne. Les 7-8-9-10 et 11 tous les soirs départ d'Hermonville à 6 heures et on rentrait le lendemain matin à 5 heures. Nous allions toutes les nuits faire des parallèles de départ devant la tranchée de première au Godat car nous devions attaquer peu de jours après. Ce travail était très fatiguant car il nous fallait trois heures pour monter en ligne et ensuite travailler le reste de la nuit et la plupart du temps sous les obus. Le 11 pour reformer la compagnie il est venu 95 hommes du dépôt divisionnaire. . Le 12 on a eu repos. Le 13 dans la nuit on est allé travailler. Le 14 on a eu repos. Le 15 à 6 heures du soir départ d'Hermonville pour monter en ligne prendre nos emplacements pour l'attaque qui était le lendemain 16, mais on ignorait encore l'heure. Dans la nuit il a plu un petit peu. En arrivant aux tranchées je suis allé avec deux hommes couper les fils de fer en avant des lignes pour pouvoir passer plus à notre aise.

Plan of the trenches - Guest Book of the 60th Infantry Regiment

L'offensive générale du Chemin des Dames

(16 avril 1917)

JMO du 60e RI, 16 avril 1917 : pages 98 à 104

Le 16 à 6 heures du matin départ pour l'attaque. Le premier bataillon était en première ligne, le 2ème en seconde. A 6h10 nous arrivions à la première ligne boche où on a trouvé un peu de résistance et où je fus blessé à l'épaule gauche avec beaucoup de peine. (Lieu approximatif de sa blessure aujourd'hui)

(Le régiment progressera de 4 km en quelques heures, dépassant la voie ferrée au nord de Berméricourt, mais la division de gauche étant bloquée devant le mont Spin, il devra se replier pour se fixer sur les anciennes tranchées allemandes. L'objectif de reprendre le fort de Brimont pour dégager Reims ne sera pas atteint. A la suite de cette journée, en mai 1917 la division prendra le surnom de "Division des As" : Le 60e prendra l'as de coeur. Constant ne tira probablement de ce nouveau surnom aucune fierté particulière. Il faisait seulement ce qu'il devait faire, avec l'esprit pragmatique du cultivateur qu'il était.)

Front au secteur du Godat (à l'ouest de la carte) le 16 avril 1917 à 6h

En bleu, parcours probable de Constant jusqu'à sa blessure devant la 1ère ligne allemande à 6h10 (Source JMO)

Ces deux vidéos extraordinaires ont été tournées ce même jour à seulement 200 m à l'Ouest de Constant :

L'attaque sur la ferme du Godat (16 avril 1917)

Images de l'attaque menée contre la ferme du Godat (aujourd'hui disparue) le 16 avril 1917 par les hommes du 44e RI. Dont l'assaut en sortant des tranchées et l'arrivée de prisonniers allemands. (Suivi d'images du 3 août 1918).

Source Images Défense

La Ferme du Godat lors de l'attaque du 16 avril 1917

Mouvements des troupes aux abords immédiats du front pendant l’offensive du chemin des Dames, dont l'évacuation des blessés à Cauroy-lès-Hermonville (certaines images sont les même que dans la première vidéo).

Source EFG1914 project

extraits de de l'historique du 60e RI le 16 avril 1917 (format pdf)

Vue aérienne de 2020 du parcours probable de 300 m en 10 min de Constant jusqu'à sa blessure devant la 1ère ligne allemande

Blessure et convalescence à Gimont, Gers

(16 avril - 5 septembre 1917)

A 8 heures j'étais au poste de secours où on m'a fait mon pansement et fait boire un plein verre d'eau-de-vie. Ce qui a un peu arrêté le sang que je crachais à pleine bouche. Aussitôt soigné je fus emporté à la route 44 où là deux prisonniers boches m'ont pris et transporté à Cauroy où en arrivant je fus pris par une automobile et transporté à Bouleuse où en arrivant on m'a fait une piqûre, et de là je suis resté sans soin jusqu'au 17 à midi. Je ne saurais vous expliquer mon ennui et ma souffrance et avec cela pas moyen de bouger. A midi je fus opéré dans la salle 40 et transporté ensuite dans la salle 100 B où là je me suis réveillé dans un lit, et un peu soulagé sur le moment. Mais cela ne dura pas longtemps. Mon pansement fut refait le 20 et le 23. Comme soin chirurgical on était bien mais en nourriture on y était très mal. Aussi je demandais qu'une chose, partir au plus vite. Et puis Bouleuse n'était qu'à 12 kilomètres des lignes boches et pouvait être bombardée à chaque instant. Là encore on ne pouvait dormir, à cause du bombardement.

Ruines de l'hôpital de Bouleuse en août 1918 : photo 1, photo 2, photo 3

Le 23 à 11 heures du soir on nous a transporté dans un train sanitaire dans lequel on était aussi bien soigné que dans l'ambulance. Le 24 à 2 heures du matin nous quittions Bouleuse. On est passé par Châlons-sur-Marne. Dans la nuit du 25 nous étions en gare de Toulouse et le 26 à 8 heures du matin nous arrivions à Gimont dans le département du Gers où on nous a transporté aussitôt une partie au collège et l'autre à l'hôpital civil où je me suis trouvé. Le voyage a été long et fatiguant. J'ai beaucoup souffert et beaucoup comme moi car nous étions 130. Le bon accueil des gens de Gimont fut pour nous très réconfortant car on n'aurait pu être mieux reçu et mieux soigné. Je me souviendrais longtemps du chirurgien Monsieur Gondre, de la soeur Marie-Josephe et de mademoiselle Peyne. Le moment où je fus le plus malade c'est du 10 au 15 mai, mais à ce moment j'avais eu des nouvelles de mes parents et amis, aussi cela me rendait heureux dans ma souffrance. Je me suis trouvé mieux le 13 juin. C'est la première fois que j'ai pu dormir tranquille depuis que j'étais blessé. Le 15 juin j'ai recommencé à me lever tous les jours, aussi à partir de ce moment j'ai pu trouver du mieux de jour en jour. Le 14 juillet je suis allé me promener à Sobiet en voiture avec le camarade Sarrat. Le 15 juillet le chirurgien m'a mis pour la première fois mon bras en écharpe. A la fin du mois de juillet je suis allé passer 2 jours chez nous pour voir mon frère Henri que je n'avais pas vu depuis le 20 juillet 1914. Dans le courant du mois d'août j'y suis retourné passer trois jours pour voir mon frère Alphonse en permission de Salonique. Lui je ne l'avais pas vu depuis le mois de décembre 1914. Tout cela était un bonheur pour moi de revoir ma famille et mes amis. A ce moment là ma plaie allait beaucoup mieux. Le 5 septembre 1917 j'ai quitté l'hôpital de Gimont, ma plaie était complètement refermée.

(D'après les cartes postales qu'il a reçu à la suite de son hospitalisation, Constant a également rencontré à l'hôpital n° 40 de Gimont : A. Melé du 146e RI, Elie Mespoulet, soldat Pons, sergent Casile, militaire Harras, infirmière soeur Philomène Mailhe.)

Le 21 mai 1917

Chère Hélène

C'est avec plaisir que je viens de recevoir votre carte. Très heureux de vous savoir en bonne santé. Moi je vais aussi bien que possible mais mon bras gauche me fait toujours mal. Je me suis levé le lendemain de l'Ascension mais depuis je suis cloué au lit et sans savoir quand je me lèverais. A part ça je suis d'un bon appétit et à présent j'ai bonne mine. Je suis très bien soigné alors je ne peux rien demander de plus. Ici il fait très beau aujourd'hui mais ces derniers jours il pleuvait. Bien le bonjour et bonne santé à tous. Recevez chère Hélène mes meilleures amitiés.

Constant

Constant Vincent à l'hôpital de Gimont, dernier rang 5ème en partant de la gauche, le bras en écharpe

Séjour à l'hôpital maritime de Rochefort et réforme

(6 septembre 1917- 5 février 1918)

Le 6 j'arrivais à Gémozac et le 7 à 11 heures du soir je rentrais à l'hôpital maritime de Rochefort-sur-Mer où la vie n'était pas si gaie comme à Gimont. On y avait que trois permissions de sortie par semaine et quoique pas loin de Gémozac je ne pouvais y aller. Pour la Toussaint on a eu 24 heures de permission, aussi je suis allé les passer à Gémozac dans ma famille, ce qui m'a fait beaucoup plaisir. Le 1er décembre j'étais à la foire de Saintes sans permission. Là j'ai appris la mort de mon oncle Pierre Vincent de Vouvent (Vendée). Les 8-9-10-11-12 décembre 1917 j'étais en permission chez nous. C'était la première fois depuis que j'étais blessé que j'avais une permission me permettant de pouvoir voir ma famille, aussi en étais-je heureux. Le 14/12/17 j'ai passé une visite (médicale) après laquelle j'ai été proposé pour la réforme n°1 par Monsieur le professeur Ledantec et le médecin chef Monsieur Foucaud.

(fin du recopiage de décembre 1917).

Noël et le premier de l'an furent tristes car nous n'avons pas eu de permission et il y avait une épaisse couche de neige.

1918

Le 8 janvier 1918 je quittais l'hôpital maritime à 5 heures du matin pour me rendre au centre de réforme de Saintes où le 9 je passais ma visite d'entrée, le 10 un examen électrique, le 11 la radiographie et le 12 la radioscopie.

Le 25 je suis passé devant la commission de vérification où j'ai réclamé mais sans obtenir de résultat, alors j'ai signé ma proposition. Le soir à 18 heures j'ai passé la visite du médecin expert le médecin chef Robert à quatre galons qui en temps de paix était docteur à Saint-Fort-sur-Gironde. Le 27 j'étais en permission de 24 heures à Gémozac. Le 29 j'ai passé la commission de réforme présidée par le général Hubert, ancien colonel du 123ème. Alors là j'ai été réformé temporaire n°1. Le soir je suis allé à la veillée chez Eugénie Baudin en compagnie de Germaine Chouc. Le 30 je suis allé au D.T.I. à Bordeaux pour me faire déshabiller et régler ma situation militaire. Le soir je reprenais le train pour venir coucher à Pons. Le 31 à 10 heures je rentrais chez nous.

Le 4 (février) j'étais à la foire de Saintes. Le 5 j'ai envoyé une lettre au dépôt du 60ème avec plusieurs certificats pour réclamer l'argent qui m'y était dû. Ce même jour j'ai vu chez nous mon beau-frère Bailly arrivé en permission de la veille. Je ne l'avais pas vu depuis le mois de juillet 1914.

Réformé définitivement à Bordeaux le 10 janvier 1922.

Rempli une feuille pour la proposition de médaille militaire le 8 novembre 1928.

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Après sa démobilisation, Constant fut employé des Postes durant quelques mois. Puis il reprit la ferme de ses beaux-parents, qui étaient également des émigrés venus de Vendée, de juste à côté de son village natal, à Rétet (Rété), commune de la Loge Fougereuse. Ils étaient cependant partis une génération plus tôt, en 1891 (un an avant la naissance d'Hélène). Constant épousa Hélène Baudouin le 26 août 1918 à Cravans, Charente Inférieure, alors que depuis plus d'un mois, là-bas sur le front, la France et ses alliés lançaient l'offensive de la reconquète.

Pour la petite histoire, ce jour-là, le 57e RI poursuivait les Allemands dans la Somme et s'apprétait dès le 28 à mener de durs combats sur l'Ingon (offensive sur St Quentin). Ce même jour, le 60e RI était en repos près de Montmirail, après la bataille de la montagne de Reims fin juillet, et avant de reprendre la lutte, 1 mois plus tard, lors de l'offensive de Champagne.

Constant et Hélène habitèrent d'abord à Cravans puis achetèrent une grande ferme à Rioux, où ils firent de la polyculture et de la vigne. Constant mourut le 20 octobre 1979 à 87 ans et Hélène le 5 février 1983 à 90 ans.

Ils ont eu 3 filles, 9 petits-enfants, 17 arrière-petits-enfants et 11 arrière-arrière-petits-enfants.

Constant et Hélène Vincent et leurs trois filles vers 1942

Constant et Hélène Vincent l'été 1972 à 80 et 79 ans

En juillet 1976

Le 27 février 1979 jour d'anniversaire des 87 ans de Constant

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